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Aout 2016

Birmanie . Le mont Kyaiktiyo

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Histoire de gagner un peu de temps et de faire quelques économies, j’ai passé la nuit dans le train en direction du sud. Nuit d’insomnie sur des banquettes en bois, chahuté par les secousses du wagon.

À mes côtés un vieil homme a trouvé le sommeil. À sa main ballotte dans le vide un sachet en plastique contenant ce qu’il crache régulièrement dans un sursaut d’éveil. Le liquide était rouge virant à une teinte de terre plutôt qu’une teinte de sang. 

Je guette du coin de l’œil à ce que le sac ne vienne pas s’écraser au sol. Des jeunes m’offrent une bouteille de whisky, un dérivé de la colonisation britannique, plutôt bon.  Toujours l’absence des vitres, on sent toute la moiteur des rizières s’engouffrer dans la carlingue. 

Ne trouvant décidément pas le sommeil malgré le grisement par l’alcool. Je me pose sur le marche pied de la porte grande ouverte du wagon. Face à moi, l’étendue noire de la campagne birmane est ponctuée par quelques éclairs au loin qui révèlent la silhouette d’un relief.

Le frottement de métal lancinant, pesant, presque sensuel, étouffe le son de l’orage.

Nous progressons très lentement, il serait presque possible de descendre, puis de remonter en marche quelques voitures plus loin. Légèrement étourdi par l’alcool, je ne fais pas confiance en mon jugement et ne tente toutefois pas l’expérience.

Seul, éveillé entre ces deux territoires abandonnés à leur rêves, ces peuples du train, ceux de la campagne, je me sens prince du temps.

 

Le lendemain j’en paye le tribut. Cerné, fourbu de fatigue, je sais que la journée sera un calvaire. J’utilise le prétexte de la pluie pour multiplier les pauses. Je m’endors dans le coin d’un restaurant à même le sol, surveillé par quelques poules, sous un abri en compagnie de deux aiguilleurs de train...

Je dors où je peux et progresse difficilement jusqu’à atteindre kyaiktiyo.

 

Kyaiktiyo, c’est un rocher suspendu au vide tenu par un cheveu de bouddha. Il est recouvert d’or. Il paraît qu’accrochés à la falaise, légèrement en contre-bas, se trouvent des temples.

En montant la montagne, la brume s’est peu à peu épaissie, s’accrochant aux versants comme à des mortaises, fouillant chaque relief de la végétation d’un doigt profond. Le monde de paysage s’était étouffé pour ne laisser qu’une nature de sons où seuls surgissaient les objets proches. Pour me repérer j’écoutais le lourd tintement de cloches.

En glissant rapidement le long du plateau les nuages abandonnaient une eau épaisse sur les dalles de l’esplanade. La surface terriblement glissante reflétait les mêmes teintes blanches du ciel.

Pieds nus, je progressais précautionneusement parmi les groupes de chiens . L’un d’eux, jeune narcisse, loin des agitations, contemplait son reflet dans le miroir d’eau.

Le son des cloches me guide et je vois enfin le rocher. Il scintille d’or au milieu de la grisaille. Suspendu, caressé par les nuées, narguant l’horizon oublié.

À mon tour oublieux, bercé par les cloches, le visage trempé, j’attends. J’inspire profondément, totalement attaché à ce monde, peut-être par un cheveu de bouddha.

 

 

Sur le mont, ces quelques vies sont abandonnées à des brumes d’or. 

Les enfants sont signés d’un pacte ancestral et laissent leur apparence se dissiper avec les nuages. Ils ont la sagesse des présences ambiguës.

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Thomas
Porte
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