
Aout 2016
Birmanie . La route de Mandalay
Ateliers de pierre de Mandalay.
Ces ateliers birmans où de nombreuses statues se concentraient dans un périmètre limité, accroupies dans une uniformité de posture, attendant qu’un visage leur soit offert. Ces ateliers dont la poudre de pierre, blanche envahissait un long périmètre pour les annoncer. Elles m’ont nécessairement conquis. Mon grand père était tailleur de pierre, son atelier qui jouxtait sa maison a été par de rares moments mon terrain de jeu alors que j’étais enfant. Je me souviens de la grue métallique et de ses rails recouverts de poudre blanche. Elle trônait majestueusement comme une marionnettiste prête à agiter un de ses pantins blanc. L’atelier avait une saveur d’aventure, en contre point du salon familial.
Le longyi.
Le longyi est un long tissu assez primaire dans ses coutures, bien plus subtile dans ses motifs. Il entoure la taille pour former une longue jupe que portent tous les hommes, vêtement dépouillé d’artifices, de poches, de formes connexes. Mais je dois avouer qu’il a été si confortable pour mes longues promenades à vélo, dans la moiteur du pays. J’ai pris quelques cours pour apprendre à le porter, et j’ai finalement appris à m’arranger avec une ceinture qui contenait mon appareil photo. Les birmans sont heureux de me voir avec cet objet de leur culture. Cela crée une complicité entre nous du fait de rompre une barrière de style. Le mien était d’un bleu marin, profond , avec une trame écossaise très discrète en nuance de gris. Je l’avais trouvé chez un tailleur dont l’atelier était attenant à l’échoppe. L’homme a beaucoup rit en m’apprenant la manière de l’enrouler.
Mousson.
Les premiers épisodes de moussons donnaient à l’asphalte un parfum puissant aux effluves d’orge. Suite à l’un d’entre eux, je dus me réfugier pendant quelques longues heures dans un abri modeste de bord de route, et côtoyer deux vaches longilignes à la robe crème. J’ai souvenir d’un profond sommeil. J’étais comme passager clandestin d’un ilot abandonné, heureux de trouver une bonne raison de ne pas pédaler. Cela formait des instants suspendus, sans devoir, sans culpabilité. Sommeil léger et grisant.
Gargotte.
Le faux plafond de ce restaurant de bord de route à Taungoo est divisé en damiers par trames de 50cm. Aux 4 angles de chaque carré sont suspendus les outils indispensables des clients:
sur un des coins une ampoule à la lumière froide se tenant à l’extrémité d’un fil dépouillé. Sur un autre coin, un élastique auquel est suspendu un briquet. D’un autre côté, une lanière retient un décapsuleur. Mais enfin et surtout, le quatrième angle accueillait le pied d’un ventilateur dont le souffle agitait l’ensemble.
Ce carré des nécessités, il faut imaginer qu’il se répétait en chaque damier de 50cm par 50cm surplombant une pièce suffisamment spacieuse pour accueillir une centaine de routiers. Sous les périodes creuses où je les ai rencontrées cela formait un décor absurde. Comme des fruits muris, pliants la branche d’un arbre prolixe et sans individus pour leur offrir une raison d’être. Impossible de dire si c’était beau et enthousiasmant, ou chargé de la mélancolie de cette absence, de la fade appréhension des vices non consumés.
Piédestal.
Sur la rive nord de Mandalay, les birmans ont érigé par croyance le plus grand piédestal de briques, un socle de plus de 72m de terre cuite se dresse, massif, aussi puissamment qu’un phénomène géologique sur une terrasse inférieure de 140m. Ce socle n’a jamais rien accueilli, et lors d’un séisme il s’est couvert d’imposantes lézardes. Quel bel aveu qu’une chose censée mettre en lumière une idole jamais apparue et qui se grime du temps dans la vertu de sa puissante patience. L’édicule de terre rouge apparait le long du fleuve, fier et triste. Il trône sur la jungle. Je rentre sur Mandalay trop rapidement, pris par un orage de fin de journée. Je traverse le fleuve, mais cette image qui sera celle la plus au nord de mon parcours s’incarnera en un cerbère, assise au périmètre des mondes qu’il me reste à parcourir.




























