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Aout 2016

Birmanie . Yangoon

J’ai retrouvé une fois atterri à Yangon, plusieurs similitudes avec Bangkok. Ce foisonnement de matière, Cette poussée turgescente de la végétation qui enseveli tout ce qui est trop immobile. 

Mais là où Bangkok mettait en scène deux cultures, celle du du gratte-ciel et du cabanon bricolé, Yangoon laissait apparaitre plus nettement les reliquats d’un déclin colonial. De vieilles bâtisses superbement robustes, cossues, alignées et mitoyennes sont dévorées par la mousse dont l’humidité retenue fait tomber de lourds fragments d’enduits, laissant apparaitre des briques au bord rongé par l’âge. 

Ces édifices fanés sont convertis en socle pour les arbres fromagers qui, partants de la paroi verticale d’un étage, désormais les surplombent.

D’imposantes encadrures de fenêtres dont on peut voir encore la trace des ornements, dévoilent des intérieurs sombres, insalubres, moites d’où proviennent des voix nasales et stridentes suivies par instants de rires prodigieusement clairs, joyeux, étrangers. Des rires limpides et lumineux.

Sur les trottoirs, contrastant terriblement avec ces compositions altérées de matières anciennes, s’étiraient des tapis de fruits puissamment gonflés de sucre, souriants d’une saturation de couleur. 

Fruits du dragon, jackfruits, durians, Pommes cannelles, ou autres Piments oiseau, chamottes…

Autant de saveurs à découvrir, suggérées par ces compositions de formes et de couleurs jusqu’alors inconnues.

En fin de journée, une fois les victuailles remballées, c’étaient des charriots aménagés qui sillonnaient les rues, s’empêtrants et poursuivis par de long wagons de sachets en plastiques. 

Vendeurs de samossas ambulants, de nouilles shan ou de simples soupes rivalisaient en ingéniosité pour assurer sur le charriot le plus ergonomique qui soit, de véritables buffets. Soutenus d’une forêt de mâts, des suites d’ampoules oscillent emmêlés dans un entrelacs de filins précaires.

Leur lumière s’étouffe vite dans la vapeur provoquée par les lourds bacs bouillonnants.

Ces apparitions dans les rues maintenant éteintes appellent leurs pèlerins qui viennent s’y amasser. S’en suit un bourdonnement de foule.

J’avais fait une pause dans ma recherche de vélo et j’avais eu vent d’un train singulier qui fait le tour de la ville pour revenir à son point d’origine. Dans nos villes occidentales nous développons ces parcours en rayons partants de deux extrémités traversants inexorablement le centre pour mieux assujettir le territoire à cette autorité. J’étais curieux de voir ce qu’un tel itinéraire provoquerait de différent.

Et puis, cette manière de développer un parcours circulaire rappelait les constructions de rails en bois pour trains d’enfants où s’enfilaient les scènes comme des perles sur un collier.

La configuration à l’intérieur du wagon était différente. Ainsi, deux immenses bancs en bois s’étiraient le long des parois de l’habitacle, s’en servant comme d’un dossier. Ils étaient recouverts par endroit d’un moule de plastique bleu, privilège inestimable d’une première classe. Mais surtout cette configuration libérait une allée centrale démesurément grande. Les fenêtres n’étaient que de grands trous béants sans vitrages d’où s’engouffrait le vent, rafraîchissant l’intérieur d’une mise en mouvement de cette air chaud et chargé d’humidité. Assis, nous étions de fait, tournés vers l’intérieur. Non pas spectateurs des paysages qui défilaient lentement mais du spectacle qu’un rassemblement de passagers formait, prenant ces trois mètres d’allées comme une véritable scène.

 

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Ainsi, en traversant les premiers quartiers populaires, des hommes dont le corps était extrêmement sec, chargèrent d’immenses sacs à peine soulevables de haricots, de coriandres, d’oignons….

Pendant ce temps des femmes, grimpaient avec des piles de bassines en plastiques, prenaient possession de l’allée, en retournaient une pour s’en servir de tabouret, et débutaient leur triage, leur épluchage.

Elles séparaient les causes, les résidus du condiment, formant des tas immenses qui foisonnaient et inexorablement s’effondraient pour s’éparpiller sur l’ensemble du sol. Dès qu’elle était remplie, la bassine était immédiatement déchargée du train pour approvisionner un marché. J’ai compris petit à petit qu’elles tenaient un véritable contre la montre très bien orchestré au tic tac des stations annoncés par les chefs de gare. Tractation chronométrée par le départ du train, marchant rapidement sur le quai à sa poursuite.

Ce train-cuisine était complété par des vendeurs ambulants, soulevants de pesantes casseroles de riz, ornées d’une multitude de sachets plastiques enlacés en ses bords. Les sachets contenaient des sauces aux couleurs diverses souvent d’un rouge brique ou d’un vert puissant. J’imaginais le piment, de tout son venin végéter, dans l’attente d’un palais à assaillir. 

D’autres vendaient des parties des oisillons frits, écartelés sur des baguettes en bois en forme de croix.

Tout ce beau monde faisait un boucan invraisemblable, étouffant celui de l’engrenage métallique, happant une certaine attention.

 

Parmi les passagers, certains avaient utilisé une crème épaisse et dorée pour s’en enduire le visage, parfois les joues, le front, les cernes, les motifs différaient.  Mes préférés étaient les maquillages de pierrot, contournant les yeux, ils en soulignaient un regard mélancolique un peu abandonné en lui même. 

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Thomas
Porte
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