top of page

Aout 2019

Bolivie . La route des lagunes

001.jpg
002.jpg

Claudel: « L’entrée de la terre »

« Plutôt que d’en assaillir le flanc de la pointe ferrée de mon bâton, j’aime mieux voir de ce fond plat de la plaine où je chemine, les montagnes autour de moi dans la gloire de l’après-midi siéger comme cents vieillards.

Le soleil de la Pentecôte illumine la terre nette et parée et profonde comme une eglise. L’air est si frais et si clair qu’il me semble que je marche nu, tout en paix. On entends de toutes parts, comme un cri de flûte, la note à l’unisson des norias qui montent l’eau dans les champs ( trois par trois, hommes et femmes, accrochés des bras à leur poutre, riants, la face couverte de sueur, dansent sur la triple roue), et devant les pas du promeneur s’ouvre l’étendue, aimable et solennelle.

 

Je mesure de l’œil le circuit qu’il me faudra suivre. (...) Les villages gardés à une issue par leur grand banyan ( le père à qui tous les enfants sont donnés à adoption), à l’autre, non loin des puits à eau et à engrais, par le fanum des génies municipaux, qui, tous deux, armés de pied en cap et l’arc au ventre, peints sur la porte tordent l’un vers l’autre leurs yeux tricolores ; et à mesure que j’avance, tournant la tête à droite et à gauche, je goûte la lente modification des heures.

Car, perpétuel piéton, juge sagace de la longueur des ombres, je ne perds rien de l’auguste cérémonie de la journée. Ivre de voir, je comprends tout.

Ce pont encore à franchir dans la paix coite de l’heure du goûter, ces collines à gravir et à descendre, cette vallée à passer, et entre trois pins je vois déjà ce roc ardu où il me faut occuper maintenant mon poste et assister à la consommation de ce qui fût un jour.

 

C’est le moment de la solennelle introduction où le soleil franchit le seuil de la terre. Depuis 15heures il a passé la ligne de la mer incirconscrite, et comme un aigle immobile sur son aile qui examine au loin la campagne, il a gagné la plus haute partie du ciel. Voici maintenant qu’il incline sa course et la terre s’ouvre pour la recevoir. La gorge qu’il va emboucher, comme dévorée par le feu, disparaît sous les rayons plus courts. La montagne où a éclaté un incendie envoie vers le ciel, comme un cratère, une colonne énorme de fumée, et là-bas, atteinte d’un dard oblique, la ligne d’un torrent forestier fulgure. (...)

L’on ne voit plus que le haut de la bosse d’or et, au moment qu’il disparaît, l’astre traverse tout le ciel d’un rayon noir et vertical. C’est le temps où la mer qui le suit arrive et, se soulevant hors de son lit avec un cri profond vient heurter la terre de l’épaule.

Maintenant il faut rentrer. Si haut que je dois lever le menton pour la voir et dégagée par un nuage, la cime est suspendue comme une île dans les étendues bienheureuses, et, ne pensant rien d’autre, je marche la tête isolée de mon corps, comme un homme que l’acidité d’un parfum trop fort rassasie. »

008-1.jpg
008.jpg
017-1.jpg
006.jpg
Bolivie - 08.2019
Tadjikistan - 08.2018
Inde - 11.2017
Vietnam - 01.2017
Birmanie - 06.2016
Thomas
Porte
bottom of page