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Aout 2019

Bolivie . Le salar d'Uyuni

La traversée du salar d’Uyuni s’est faite en deux jours. J’ai pu dormir abrité du vent sur la petite île de Colchany.

Cette traversée à vélo du désert blanc reste probablement l’une de mes expériences les plus mémorables. La veille j’ai trouvé une chambre dans un hôtel en sel au bord du salar. Murs en parpaings de sel, sommier de lit en sel, tables et tabourets sculptés dans de massifs blocs de sel. Jamais auparavant je n’avais habité un espace aussi univoque.

 

J’entame mes premiers kilomètres en fixant au Nord-ouest une configuration de montagne comme repère. Entre elle et moi pas de route, juste l’étendue blanche du salar. Le voyage prend la forme d’une navigation. J’ai écrit sur un précédent voyage que l’incertitude des routes n’était que la conséquence logique de l’indétermination des paysages. Cette absence de route me replace assez justement au sein du paysage.

 

Mon obstination à réduire la distance avec le massif qui me fait face se confronte dans un premier à la grande répétition de l’environnement. Mon pneu en roulant, s’affaisse légèrement, fait craquer la pellicule de sel frais comme une neige matinale. En même temps que se développe une pointe d’ennui, j’apprends à découvrir les variations subtiles du salar.

Sa surface n’est pas plate, un étrange phénomène fait que le sel se rassemble en blocs de 50-60cm, à la forme plus ou moins hexagonale, dont les contours sont légèrement relevés. L’ancien lac, à perte de vue, est comme couvert d’écailles blanches.

 

Je regarde ma roue fendre fièrement ces légères vagues, enorgueillit du symbole, l’impression littérale de conquérir chaque parcelle qui me sépare de mon objectif. Je trouve ça valorisant puis l’instant d’après terriblement incertain.

Les kilomètres, les heures défilent, je divague dans cet atermoiement de sentiments qui m’épuise.

 

Sur le salar, la notion des distances est déroutante. Les kilomètres qui me séparent des flancs de la montagne que je regarde là bas sont tellement identiques qu’ils se confondent en une flaque qui miroite comme une huile la consistance du ciel.

Pendant de très nombreux kilomètres j’ai l’impression que mes efforts sont vains, la crête reste inexorablement la même. Mes efforts n’ont rien conquis, comme s’ils n’avaient plus d’incidence concrète. Sensation curieuse.

 

Le soleil, lui, descend maintenant franchement, je le jalouse de danser avec autant d’aisance sur ce territoire. Il fait scintiller les cristaux de sel qui commencent à adopter une teinte violacée. La dépression fait grandir le vent qui sans obstacles avale goulûment la surface sans répit.

Je fixe les parois de l’île espérant qu’un détail m’en donne l’échelle. Elle reste cette silhouette légèrement brune, insondable, fondue au relief de l’altiplano pourtant 80km plus loin.

Alors que la lumière décline, je m’aperçois qu’enfin la ligne d’horizon a bougé. Qu’un filet blanc commence à détacher l’île des autres montagnes. Le filet blanc grandit prends de l’ampleur, je connais mon programme du lendemain.

J’observe le grand bloc de pierre volcanique contraster avec l’éblouissant salar. D’entre les pierres s’élèvent des cactus centenaires d’une prodigieuse et patiente verticalité. Depuis une journée j’ai oublié cette étrange pulsion des plantes qui s’élèvent en défi de la gravité pour puiser ambitieusement la lumière.

Je m’approche des rochers, les écailles du salar se distendent, forment des vagues. Je m’enfonce sur la surface plus humide qui me rappelle que sous l’immense croûte de sel un lac sommeille.

 

Je passe la nuit dans le musée de l’île que les gardiens ont gentiment laissé ouvert. Plein de fatigue je m’endors dans la pièce principale, veillé par deux mannequins en costume traditionnel trinquant des bières locales à base de cactus et de coca.

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Thomas
Porte
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