Novembre 2017
Inde . La route de Pallu
Pallu est un village de sédiments, une suite de sécrétions déposées par la route qui le traverse, perdue dans l’immensité du désert du Rajasthan.
Les caravanes, las des indifférences se sont jointes les unes aux autres au point de former cet étrange amas. Les hommes les plus délaissés se sont serrés jusqu’à s’estomper dans cette humanité sans obstacle. Leurs embarcations à l’arrêt semblent être les seules à développer des racines sur cette terre aride où rien ne pousse.
Dans la chaleur qui maintient la lande à un minéral doré, les ombres des tentes sont noires par deux fois. On y trouve tapies des bêtes qui attendent et expulsent leurs heures en compagnie de vaisselles et de linges disséminés. Chaque campement est un phare hissé sur la rocaille.
Je m’engage parmi le tourbillon de pierres où les passages ont creusé leurs chemins. C’est par un long labyrinthe dont les lacets et les retours amplifient et multiplient les scènes, que je me laisse porter à la rêverie.
J’atteins finalement un sommet sans avoir croisé le moindre monument.
Près de moi, fichés dans le sol comme de lourds chandeliers, les restes dépouillés d’une charpente incantent le ciel et exultent la terre avec une témérité indéfinie.
Chaque élément parmi ce sable qui les ronge est régulier et terne, presque abandonné, confié à l’attente.
Puis vient le crépuscule, l’instant où l’ombre et la face éclairée se rejoignent.
Dans le déclin de lumière, elles se recouvrent d’un seul et identique silence, un scindement de vérité est en train de fondre et il y a un charme délicieux à observer dès son origine une manifestation du phénomène.
En redescendant de la colline, je constate que les bêtes se sont éparpillées et constellent désormais de leur corps gonflé les chemins.
Je vois un enfant prendre son élan en hurlant et fendre un attroupement de dromadaires. Il rejoint un superbe étalon blanc, s’en saisit, le monte à cru et le fait galoper entre les rangées de tentes. Puis, il se dresse debout sur le dos de l’animal. Ses pieds nus épousent avec la plante parfaitement le corps bombé du cheval. Par la foulée, une épaisse nuée de sable les prolongent et se dépose sur les corps arrondis et spongieux de l’assistance.