Cela fait plusieurs mois que je me prépare. Depuis mon premier véritable périple à vélo en Birmanie en août 2016, je n’ai fait que tracer peu à peu les contours d’un voyage plus immersif, plus long aussi, qui consisterait à entreprendre la traversée de l’Eurasie à vélo.
Depuis le 7 octobre 2019 j’ai coché une date :
15 mars 2020.
Je ne suis pas du genre à anticiper des masses, mais je me voyais bien plonger dans le voyage en même temps que l’hiver délivre la nature, que les jours s’allongent.
L’idée était aussi de franchir le difficile plateau du Pamir en août afin de ne pas subir des températures trop basses à 4000m d’altitude
J’ai donc eu du temps pour concevoir un vélo sur mesure.
Fort de mes précédentes expériences en Birmanie, au Vietnam, en Inde, au Tadjikistan et en Bolivie, j’avais défini le cahier des charges de mon futur camarade à deux roues. Il faut dire que j’ai toujours acheté des vélos sur place, ce qui a occasionné du bon et du moins bon, des casses multiples, des usures prématurées... j’ai appris les composants à ne pas mésestimer.
J’ai aussi parfaitement été conseillé par urban cycle qui s’est chargé de l’acheminement des pièces et du montage du vélo. Eux, sont habitués à faire des montures pour « tourdemondistes ». Amoureux du travail bien fait, ils m’ont accompagné en respectant au maximum mes souhaits tout en assurant la bonne cohérence de l’ensemble.
Le vélo a pris corps entre janvier et février.
Ces mois d’hiver où j’ai envisagé mon parcours, mon matériel ont inévitablement conduit à de multiples projections de ma part. Le voyage en un sens débute à l’instant même où on se l’est promis et alors l’imaginaire emboîte le pas.
Je me rappelle que 5 mois auparavant, alors que j’allais au travail, que la grisaille pleuvinait des gouttes froides, matinales, je levais la tête à la manière d’un marcovaldo et observais deux cigognes qui poursuivaient de leur vol lourd la direction du Sud-est. Moi, je pédalais le long des boulevards, parmi la circulation nerveuse du matin, jusqu’à m’écouler dans la vieille ville pour rejoindre mon agence, son stress.
J’ai regardé avec envie les deux volatiles disparaître dans les nuages.
Accident en janvier, convalescence en février, je prends conscience que je dois être prudent pour ne pas mettre à mal mon projet. Je pense alors être le seul détenteur de sa concrétisation.
15 mars donc, nous quittons Nantes à vélo avec famille et amis, un petit groupe de 7 personnes à longer la Loire. Territoire que Gracq, sans doute un peu partisan, a jugé comme la plus belle vue à contempler du réseau ferroviaire.
En réalité, il est difficile de goûter au paysage tant les émotions sont entremêlées. La crise du coronavirus a mis un sérieux doute sur la suite du parcours. Comment faire un tour du monde alors que les frontières, événement jamais vécu dans l’histoire, tour à tour se ferment. Je pars parce que je ne peux pas prendre la décision de m’interrompre, parce que je sais que je ne pourrais rien accepter d’autre qu’un ordre provenant de l’extérieur pour me résigner.
Je prévois cependant de rouler dans la région en attendant de savoir si une amélioration est envisageable.
Cette amertume contraste avec la balade. Le printemps est précoce, et au fond de moi j’ai plaisir à partager avec des gens que j’aime, l’émotion de filer silencieusement sur des chemins si modestes qu’ils nous font toucher le paysage.
Depuis petit, à chaque fois que je monte sur un vélo, le monde perd ses habits institutionnels, je reprends contact avec la terre. Un vent puissant de liberté me galvanise.
Un peu plus loin en amont du fleuve, on retrouve d’autres amis. Déjà je n’ai jamais aimé les situations archetypales, difficile de formuler un au revoir qui fasse sens. Pourtant je les quitte pour débuter la route seul.
Le silence m’aide à voir plus clair.
Ce départ n’est pas faux, il porte avec lui déjà ses certitudes et ses promesses, il est même tout à fait riche de vérité.
Il s’est avéré prématuré, et pourtant c’est comme s’il avait fallut le vivre deux fois pour en appréhender la teneur, qu’il soit comme il devait être.
Demain je pars à nouveau.
Sous une forme plus discrète qui me correspond aussi et à qui, je le comprends maintenant, je devais laisser une place.
enfin je prends connaissance de tout ton chemin, on rattrape le temps perdu, même si je pensais bien à toi, et à savoir ou tu en étais, et que maman me le disait, heureuse de le faire par moi-même et on va le faire souvent avec Léopol!
Bon voyage... à la recherche de ton est d'Eden !
Test avant départ