Novembre 2017
Inde . Jaisalmer
Au Rajasthan, des puits à degrés forent la terre comme des mines, la fouillent d’un doigt profond. Les emmarchements étirent le cône du gouffre à chaque été plus vaste. Ils sombrent à tutoyer les abysses. Les édifices les plus grandioses, ceux dont la virtuosité esthétique égale le prestige de la fonction sont sous la surface presque disparus dans les nimbes de la roche qui s’effrite et s’affaisse.
Arènes somnolentes dans l’espoir d’être foulées par Orphée, elles sondent aveuglément la nappe comme un nouveau-né tend les lèvres. Mais au fil des sécheresses, les cours nourriciers de la terre se sont réservés à d’autres tracés.
De part et d’autre de cette bouche, quelques statues à la gloire des ancêtres vacillent et se couchent dans la poudre à l’orée des entrailles.
De cette seconde tombe que le temps mit à terre reste un entassement de pierres au gabarit plus modeste dont les rondeurs ont échappé à l’anatomie humaine pour rejoindre l’énigmatique secret des formes.
Lorsque parmi la mousse, l’effeuillage automnal les aura dévoilés, quelques hommes hisseront les granits à l’appui de constructions nouvelles.
Leur prestige participera, secrètement cette fois aux ambitions de leurs contemporains.
La matière s’effrite par le temps en toute chose. Les parois ocres et rocheuses des ruines sont plus que des objets, elles sont instruments et se trouvent impressionnées par un souffle. Par elles on observe que tout ce qui existe ondule jusqu’à laisser s’échapper en dur des aveux.
Elles sont, même si la forme est primitive, également engagées par cette surprenante grâce qu’une conscience étire et confesse.
La création, jusqu’alors matière, devient incarnée. Par la déflagration du temps, l’objet est mis en acte. Il est soumis à un devoir de vertu auquel il échappe inévitablement.
Comme le mouvement perpétuel, une forme persistante appartient à une vue de l’esprit. Le temps la soumet à un balancement dont la mesure est toujours plus subtile, la chute d’un mur est contenue en germe dans ses pierres, dans leur agencement.
L’agencement, sans distinction entre bien et mal, précède tout ce qui advient.