Août 2018
Tadjikistan . La route de Khorog
Elles étaient comme ça leurs montagnes, elles se dressaient fièrement d’un mouvement ample. Et brunes, et blanches, avec des reflets d’or et de lourdes ombres. Elles semblaient se recourber sur notre passage. Nous, si petits, faufilant entre elles, guidés d’un fil bleu, on levait les yeux.
Tout juste on en apercevait là le porte-à-faux du menton. Plus haut, la forme affutée de quelques dents émergeait des ombres d’une cavité. Par instant, l’une d’elles se dérobait et tombait tout d’un bloc poussée par d’autres. Alors l’éboulement pesant et régulier perforait le silence de la vallée.
C’était toujours une forme plus tranchante qui apparaissait, laissant l’érodé lentement se confondre par le courant d’eau.
Ca riait au-dessus de nous, et très fort. Il était impossible de voir la face de ce rire et d’en déceler les intentions. Là haut n’est pas un lieu d’hommes.
Par endroits, le torrent a creusé des plateformes dans la vallée. Ces zones sont cultivées et ce sont ainsi de rares ilots de verdures où s’est tapit un village.
J’ai poussé un lourd portail de restaurant. c’est en fait un champs d’arbres fruitiers, sorte d’oasis irréelle, persistant au milieu de la rocaille. A l’ombre de chaque arbre, d’immenses lits en métal sont disposés.
Le matelas est retiré, et on s’assoit sur un maillage de cordes. Au centre du lit, il y a une nappe plastifiée où sont posés les thés. Je choisis de m’assoir sous le figuier, je n’ai qu’à tendre le bras pour cueillir le fruit et le porter à ma bouche, je goutte le jus encore brulant de soleil. Je m’allonge, ferme les yeux écoute le vent faire chanter l’arbre. Le mien, de ses lourdes feuilles est plus grave que les autres.
En somnolant, je m’imagine à bord d’un bateau de fer et de cordes, la mer est une prairie faite de l’éclat doré du foin. En levant les yeux je vois le vent s’engouffrer sur les fines voiles tendues par mon arbre. Très légèrement le mât ondule.